La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé lundi dernier une modification prochaine du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Cette mesure, qui fait partie d’un projet de loi déposé le mercredi 8 mars à l’Assemblée, vise à corriger les inégalités financières entre hommes et femmes qui régissent actuellement la fiscalité des couples.
Pourquoi cette modification et en quoi consiste-t-elle ? Qui seront les gagnants de cette mesure ? Quand devrait-elle intervenir ? On a décrypté pour vous cette réforme à venir qui pourrait, à court comme à long terme, conduire à un véritable changement sociétal.
Pourquoi ce changement sur le prélèvement à la source de l’impôt et en quoi consiste-t-il ?
Le taux de prélèvement à la source (PAS) permet de déterminer le pourcentage de vos revenus prélevés dans le cadre de l’impôt, autrement dit votre taux d’imposition. C’est sur ce taux, appliqué chaque mois sur vos revenus, que votre impôt est calculé et que les prélèvements sont étalés sur l’année afin que vous puissiez vous en acquitter.
Aujourd’hui encore, lorsque vous êtes marié ou Pacsé, un taux de prélèvement commun, non personnalisé et non individualisé, est appliqué par défaut. Et ce, même si le revenu de l’un est supérieur au revenu de l’autre. Ce mode de calcul crée une situation symbolique et réelle dont les femmes demeurent toujours les grandes perdantes.
La modification prochaine du prélèvement à la source annoncée par la Première ministre introduit une proposition de loi visant à renforcer l’égalité fiscale et successorale déposée par la députée Marie-Pierre Rixain le 8 mars à l’Assemblée nationale. Cette loi prévoit notamment que le taux de prélèvement soit désormais individualisé par défaut, pour l’ensemble des foyers fiscaux.
Qui seront les gagnants ou gagnantes de la modification ?
Les femmes en couple avec un homme ont dans 78 % des cas un salaire inférieur à celui de leur conjoint, comme le rappelle le projet de loi. De plus, l’écart qui sépare leurs salaires s’élève à 42 %, tandis qu’il plafonne à 9 % chez les célibataires. Et, si jamais elles divorcent, leur niveau de vie baisse de 22 %, contre seulement 3 % pour les hommes, créant une inégalité supplémentaire.
À ce jour, le mode de calcul par défaut consiste à prendre en compte l’ensemble des revenus du foyer, et à appliquer à chacun le même taux d’impôt à la source. Ce qui peut revenir pour une femme à verser un même pourcentage de ses revenus, même quand ils sont beaucoup plus bas que ceux de son conjoint. Et ce, comme si chacun touchait les mêmes revenus ou qu’ils étaient systématiquement partagés.
Pour contrebalancer cette inégalité structurelle et émanciper les femmes de cette surcharge qui augmente leur dépendance aux revenus de leur conjoint, la mesure phare du projet de loi consiste à renverser le mode de calcul par défaut. Même si l’ensemble des revenus sera toujours pris en compte pour l’impôt sur le revenu, le taux du prélèvement à la source sera désormais (par défaut) proportionnel aux revenus de chaque personne.
Jusqu’ici, pour un homme gagnant 4’000 € et une femme 2’000 € au sein d’un couple sans enfant, le taux d’imposition commun est de 9,2 %, pour reprendre un exemple cité par l’Indépendant. Le premier verse donc 360 € et la seconde 182 €. Après la loi, ces taux seront respectivement et automatiquement de 12 % et de 3,7 %, et les prélèvements de 480 € pour l’homme et de 74 € pour la femme, pour un total quasi équivalent. Celle-ci récupérerait donc une somme aujourd’hui injustement prélevée de 1320 € par an !
La fiscalité ne doit pas être un frein à l’émancipation des femmes, notamment celles qui ont un écart de salaire important avec leur conjoint.
Dès 2025, le taux d’imposition sera individualisé par défaut pour l’ensemble des foyers fiscaux. pic.twitter.com/3l86VUx4CQ
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) March 6, 2023
Des possibilités de modification présentes et à venir
Cette possibilité d’individualisation des taux de prélèvement de l’impôt sur le revenu, encore trop peu connue et trop peu pratiquée, existe déjà pour les couples mariés ou Pacsés. Elle a été mise en place en même temps que le prélèvement à la source, non par défaut, mais sous la forme d’une option via le service Gérer mon prélèvement à la source sur le site des impôts.
Le site indique ainsi votre situation, vos acomptes mensuels et votre taux de prélèvement commun, mais aussi le taux de prélèvement individuel qui pourrait s’appliquer. Vous pouvez alors choisir, en déplaçant un simple curseur, d’individualiser votre taux de prélèvement. Il suffit qu’un seul des conjoints effectue cette démarche pour qu’elle vaille pour chacun.
À ce jour, 52 % des couples concernés ont choisi l’individualisation, ce qui montre à la fois un intérêt pour ce dispositif, mais dénote encore une inégalité et un manque d’information. La nouveauté de la loi consistera donc à renverser cette tendance en même temps que le sens du curseur, en individualisant par défaut, tout en maintenant la possibilité d’un taux commun en option.
Cette modification du prélèvement à la source devrait intervenir à partir de 2025. Soutenue par le gouvernement et menée par la députée Marie-Pierre Rixain, qui était déjà parvenue à faire adopter la loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle l’an passé, il se pourrait qu’elle ait de grandes chances d’aboutir.
Cette mesure, qui peut paraître anodine dans la forme, implique dans le fond un véritable renversement des valeurs. Comme le rappelle le projet de loi, l’OCDE a pointé du doigt le système français comme inégalitaire et contre-productif. Si la loi passe, les gagnants de cette modification ne seraient pas seulement des gagnantes, mais ce serait toute la société qui en sortirait plus « riche ».
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